Après les sixties lumineuses, les seventies combatives. On fait beaucoup de politique, partout. Pour la liberté de l’américaine noire Angela Davis, pour le Viet Nâm ou les dissidents russes, pour le Chili et l’Argentine martyrisés, on manifeste, on proteste. On parle de liberté sexuelle et des journaux comme Charlie Hebdo ou Hara Kiri se moquent des conventions. Le Général de Gaule a démissionné, Georges Pompidou lui a succédé. On commence aussi à parler d’écologie, tandis que la crise pointe le bout de son nez et que le nombre des chômeurs commence à croître. La gauche a son programme commun et son candidat, François Mitterrand. Mais c’est Giscard d’Estaing qui deviendra président. Outre-Atlantique le Président Nixon espionnait ses adversaires : il est contraint à la démission.

La concertiste classique nous renseigne vite sur ses penchants musicaux avec, sur ce même album, une chanson intitulée « Cœur bat rock ». Rappelons-nous qu’au début des années 70, le rock et ses nombreux dérivés exercent une forte attraction sur les jeunes. Mais ce sont ses accents soul qui distinguent celle-ci. Une contrebasse moelleuse à souhait ouvre le morceau, vite suivie par un piano au son ample. La voix de Catherine Lara est rejointe par une autre, celle de Gilbert Montagné, fantastique chanteur quand il a de bonnes chansons. Les deux voix font un beau duo dans le refrain avant de s’offrir toute une plage de vocalises croisées, un peu à la manière de Stevie Wonder, dont on sent l’influence. Le morceau est conclu de façon inattendue par la voix enfantine de Cécile Nougaro, fille de son père, Claude, un des noms prestigieux de la chanson française. Une version enregistrée par Catherine Lara avec l’orchestre de musique yiddish Sirba Octet offre une version très différente et émouvante de cette chanson.

Cette chanson aux accents soul et au ton mélancolique figure dans le deuxième album de la chanteuse au violon. Si les encriers étaient emplis de craie, n’effacerait-on pas ce que l’on écrit ? Jolie métaphore sur le temps qui passe et les souvenirs qui s’effacent. Catherine Lara et l’auteur de la chanson, Daniel Boublil, appartiennent à une génération d’écoliers qui a beaucoup entendu parler de la guerre, dont le souvenir encore frais était dans les mémoires. Tout tourné vers l’avenir, le temps de l’enfance tourne vite les pages du passé pour écrire celles du présent. Mais, peut-on faire « comme si rien ne s’était passé » ?