La Maison Tellier est un groupe avec un curieux nom de boutique, d’artisan ou de commerçant composé de faux-frères unis comme les cinq doigts de la main. Ce projet né en Normandie vers 2004 s’est fait un nom dans un répertoire empruntant autant à la pop qu’au folk. Il tire son nom de la première nouvelle écrite par l’écrivain Guy de Maupassant (seconde partie du XIXe siècle). Apparu tout d’abord sur une compilation, le groupe a su gravir les échelons qui le conduisent aujourd’hui à être réclamé sur bien des festivals et attendu par un public nombreux et fervent. Sa carrière conduite avec patience et maîtrise en fait aujourd’hui une des formations clef de la branche pop/folk de la chanson francophone. Ils conjuguent avec bonheur sonorités et instrumentations héritées de la pop anglo-saxonne et écriture et chant en français nourri des influences de Bashung comme de Noir Désir, et plus loin dans le temps, de Léo Ferré.

Clavier, basse et batterie fabriquent une ambiance lourde propice au chant martial de Helmut Tellier. Dans le refrain les claviers dessinent les accords solennels d’une sorte de fanfare ou d’un orgue, additionnés de cloches que rejoignent des trompettes en fin de morceau. Le batteur fait rouler ses baguettes sur les toms basse et médium : un roulement quasiment ininterrompu parcourt ainsi le morceau. Tout ceci concourt au climat poignant du morceau, autant que l’est son propos. Le plus frappant de cette chanson n’est-il pas la voix, posée haut et chargée d’une émotion tremblotante ?

On entend comme un écho du “Chant des partisans” dès le premier vers. C’est intentionnellement que le groupe fait ce clin d’œil dans une chanson qui traite de la délation, ce sport en vogue pendant l’occupation et remis au goût du jour ces derniers temps. Ce monologue pitoyable met à nu les ressorts de celui qui par peur et ignorance est prêt à “dénoncer ses voisins” au nom de sa propre liberté. Ces voisins semblent être étrangers à moins qu’ils ne soient juste différents… On devine ce délateur apeuré, jaloux sans doute et méchant sûrement. Un film sorti en 1943, “Le Corbeau”, mettait en scène un personnage de ce type : le nom est resté. Le corbeau propage des rumeurs avec l’intention de nuire.