Je t'aime … Moi non plus

Parcours
Mis à jour le 16 avril 2019

Je t'aime… Moi non plus

D’amour et d’eau fraîche… À en croire cette expression, le bonheur auquel nous aspirons tous demande bien peu de choses pourvu qu’il y ait l’Amour, qui posséderait le pouvoir extraordinaire de rendre heureux qui en sont touchés. Évidemment, les choses sont moins simple qu’il y paraît.

Déjà comment comprendre ce drôle de mot aux sens multiples: l’amour de son prochain recommande par Dieu n’est pas celui que l’on voue à ses parents. On peut aussi aimer la musique, le film qu’on vient de voir ou le livre qu’on lire, la vérité ou son pays, pourtant cet amour n’a rien à voir avec celui porté à un(e) amant(e), celui qui met en mouvement nos passions et nos désirs les plus intimes.
Cet amour là, source inépuisable d’inspiration des cultures, des pays et des époques.

Sous l’Antiquité en Grèce, on parlait peu d’amour sauf, éventuellement, pour désigner le sentiment familial.
En revanche, le terme “amitié” (philia) était très employé. Sa signification, beaucoup plus forte que celle que nous lui connaissons, impliquait un sentiment réciproque assez proche de ce qu’on appelle aujourd’hui l’amour.
Cependant, cette amitié/amour liait généralement deux hommes et rarement un homme et un femme. En effet, les femmes ayant un statut social inférieur dans la société, elles occupent une place secondaire dans les relations humaines.
L’occident chrétien met l’amour de Dieu et du prochain au cœur de sa civilisation. L’amour terrestre est subalterne et ne vise qu’au bon ordonnancement de la société. Quant à l’amour charnel, il est relégué dans les zones mal famées du péché. Cette conception marquera longtemps l’Europe, alors valorise l’amour et la sensualité. Cependant, petit à petit, la société évolue, les poètes et les troubadours trouvent dans l’amour une inspiration qui échappe à la pesanteur de l’Église et le mœurs se modifient. Ils mettent notamment en évidence que l’amour ne peut se réduire à l’accomplissement d’un devoir (aimer son prochain) mais qu’au contraire il s’éveille hors de toute prescription, nourrissant le désir et la passion.

Au 16ème siècle, la condition pour obtenue une femme en mariage est de la demander en mariage à ses parents. Pas question de séduction, de plaisir ou d’amour ici. Il s’agit plutôt d’affaires. L’amour et le mariage sont deux choses distinctes et incompatibles. Le mariage, institution imposée par l’Église, compte plus que l’amour. Il remplit plusieurs fonctions : allier deux familles, assurer la transmission d’un héritage et bien sûr la reproduction de l’espèce. Jusqu’au 17ème siècle, les termes de séduction ou de mariage n’ont pas acquis leur signification contemporaine.
Dans ce contexte, l’amour-passion est suspect car il risque de perturber l’ordre social en empêchant le “mariage de raison”. L’état amoureux est assimilé à un comportement asocial et de toute façon est marqué par le tragique : de “Tristan et Iseult” à “Roméo et Juliette”, le destin des amoureux n’est décidément pas de vivre heureux.
Notons cependant que le modèle sur lequel se pense l’amour durant toutes ces décennies reste celui de l’amitié masculine. D’ailleurs, le vocabulaire et les comportements de l’amour lui seront longtemps empruntés. Ce n’est qu’avec le développement des libertés et du droit des femmes que l’amour et les sentiments vont acquérir droit de cité dans une société durablement marquée par la misogynie.

Vers la fin du 17ème et, de façon plus nette, durant le 18ème siècle (celui de l’accomplissement des valeurs des Lumières et de la Révolution), des changements dans les comportement puis dans les lois interviennent.
Ainsi jusqu’à cette époque, les modes amoureux principalement illustrés par la littérature se modifieront-ils dans un mouvement hésitant entre le cœur et le corps, la vertu et la passion, la sensibilité et la sexualité. Ainsi, l’amour courtois du 13ème siècle, l’amour galant du 17ème ou l’amour passionnel romantique du 18ème ne sont pas les mêmes et ne disent pas la même chose. Mieux que tout autre, Baudelaire mettra à nu cette dualité l’amour avec des mots nouveaux et inoubliables.
L’aventure amoureuse devient privée. La réhabilitation du sentiment permet au sentiment féminin de trouver enfin sa place. La séduction se révèle un élément important dans les relations hommes/femmes. Séduire est un art qu’il faut savoir utiliser, c’est-à-dire dissimiler sous l’apparence d’un comportement spontané. La séduction féminine est admise petit à petit, l’essor de la mode en témoigne.
À partir 18ème siècle, l’amour commence à devenir une valeur sociale fondamentale, et permet aux relations amoureuses de s’émanciper progressivement de la tutelle de l’Église.

Au 20ème siècle en France, le modèle laïc véhiculé par la 3ème République l’emporte sur le modèle chrétien. Le mariage s’affirme comme ayant une signification pour l’homme en tant quête humain, tout en restant au centre de l’ordre social. Il devient également l’aboutissement de l’amour : le mariage n’est plus seulement une affaire économique.
Ces dernières années, la société a connu des évolutions importantes telles la place prise par les femmes dans le monde du travail, le développement de la contraception ou la progressive reconnaissance sociale de l’homosexualité. L’aspiration à l’égalité qui traverse la société au cours de ce siècle a beaucoup d’incidence sur les relations humaines. L’idée d’un couple égalitaire progresse. Cependant, il faut attendre la fin du 20ème siècle pour la responsabilité de “chef de famille” soit partagée.
Par ailleurs, la société s’est peu à peu dégagée de vieux tabou qui interdisaient l’expression de l’érotisme voire des fantasmes sexuels. La découverte par Freud au début du XXème siècle de ce continent qu’est le psychisme a permis de sorti des ténèbres ce que la morale et la censure avaient banni, et de mieux comprendre les ressorts de notre vie affective.

Ces changement sont autant de facteurs qui aboutissent à l’établissement de nouveaux rapports hommes/femmes.

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Je t'aime… Moi non plus

I.
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Les chansons de "Je t'aime… Moi non plus"

LES ANNÉES 50
Yves Montand - Les feuilles mortes (1950)
Patachou - Mon homme (1951)
Magali Noël - Fais moi mal Johnny (1956)
Charles Aznavour - Tu t’laisses aller (1960)
Jean Ferrat - Ma môme (1960)
Catherine Sauvage - Pas d’amour heureux (1955)

LES ANNÉES 60
Léo Ferré - Ça t’va (1962)
Jacques Brel - Mathilde (1964)
Barbara - Toi (1967)
Ronnie Bird - Où va-t-elle (1965)
Juliette Gréco - Déshabillez-moi (1967)
Françoise Hardy - Comment te dire adieu (1968)

LES ANNÉES 70
Georges Brassens - La non demande en mariage (1966)
Julien Clerc - La fille de la véranda (1971)
Serge Reggiani - Il suffirait de presque rien (1968)
Michel Delpech - Les divorcés (1973)
Dalida - Il venait d’avoir 18 ans (1973)
Jacques Higelin - Pars (1977)

LES ANNÉES 80
Alain Bashung - Bijou (1979)
Renaud - Le retour de pépette (1985)
Alain Souchon - La ballade de Jim (1986)
Rita Mitsouko - Andy (1986)
Vanessa Paradis - Tandem (1989)
MC Solaar - Caroline (1992)

LES ANNÉES 90
-M- - Machistador (1997)
Miossec - Le criterium (1997)
Noir Désir - Lolita nie en bloc (1992)
Zazie - Chanson d’ami (1998)
Paris Combo - Señor (1999)
Louise Attaque - Qu’est-ce qui nous tente ? (2000)

L'amour au fil du temps

Dans les années 50, la musique parle de l’amour en même temps qu’elle sert d’outil de flirt. Elle est une bonne illustration de l’état et des changements des relations hommes/femmes durant les dernières décennies. En effet, elle renvoie l’image de la société dans laquelle elle est créée. Ainsi, l’apparition de nouveaux genres musicaux peut-elle être mise en parallèle avec l’évolution des mœurs amoureuses.

Apparus au milieu des années 50, le rock’n’roll et ses dérivés bousculent l’ordre établi et les chansons alors à la mode. Cette musique, faite par et pour les jeunes, ressemble le plus souvent à un hymne au flirt. La place des chansons d’amour traditionnelles décline. Aux États-Unis, les bluettes sirupeuses sur le thème des désirs inaccomplis s’effacent devant les rythmes syncopés dont les textes parlent de sexe, de filles et tournent les adultes en ridicule. À la pudibonderie alors de règle se substituent des chansons faisant explicitement allusion au désir et à la séduction, tandis que les chanteurs ressemblent moins à des gendres idéaux et plus à des amants torrides. En France, il faudra encore attendre un peu pour que les textes ne soient plus parfaitement respectueux de la morale. Cependant des chanteurs tels Ferrat, Brel, Brassens, continuent dans une veine poétique très fine de chanter l’amour et la solitude.

Tout au long des années 60, débutées de façon assez prude (“I want to hold your hand” — traduis “Je veux tenir ta main” — chantent les Beatles), qu’il s’agisse du rock, du twist ou de la pop, le chansons ne vont cesser de transgresser les interdits et se faire de plus en plus allusives. Elles nourrissent et accompagnent un profond mouvement de libération des mœurs. Un des symboles de cette conjugaison reste le festival de Woodstock en 1969, année célébrée par Gainsbourg et bien d’autres comme l’année érotique : qui l’eût imaginé quelques années plus tôt ?

À partir des années 70, le rejet des règles et tabous moraux devient le mot d’ordre. Le tourbillon de la révolution sexuelle met à mal les subtilités du flirt. L’amour et le sexe ne se conçoivent plus sur un modèle idéal, romantique, fait de sentiments éternels comme il l’était jusqu’alors. L’individu occupe le devant de la scène, les préoccupations deviennent plus narcissiques tandis que le désir demande à être satisfait vite car demain les choses peuvent être différentes. En témoigne la vague disco qui chante la sensualité et la sexualité sur un mode festif et léger, et cherche avant tout à faire danser (voir le film “Saturday night fever”)

À la fin des années 79, les clivages entre les sexes à l’adolescence, qui s’étaient réduits au cours des “trente glorieuses”, se creusent à nouveau. C’est l’époque des restructurations dans les villes industrielles. La montée du chômage et les conditions de vie plus difficile vont modifier la vision portée sur l’autonomie féminine. Celle-ci n’est plus vantée avec le même enthousiasme et certains discours prônent le retour de la femme au foyer.
Au même moment la scène rock vole en éclats. Au rock classique, aux tendance nettement machistes, succède le heavy metal, ouvertement sexiste. Les filles y sont au pire diabolisées, au mieux considérées comme des objets sexuels. Les sentiments et la tendresse sont rarement au programme d’une musique qui s’affirme dans un assourdissant déluge sonore. À l’opposé de ses modèles masculins, le rock engendre aussi des femmes de caractère, parmi lesquelles on peut citer Tina Turner, Annie Lenox ou Patti Smith. Celles-ci renvoient à leur fan une image forte et valorisée de la femme.

Au début des années 80 s’affiche l’expression identitaire des gays (ex: le groupe Les Communards). C’est aussi l’époque de la mobilisation contre le SIDA, qui va influencer la culture du flirt. Les adultes qui ont connu la liberté sexuelles des années 70 découvrent un monde où l’amour peut se conjuguer avec la mort.

Au début des années 90, l’avènement de styles musicaux qui font passer la problématique amoureuse au second plan illustre une période de rupture. Le succès du rap, musique très largement masculine, avec des textes souvent très durs, décrivant la réalité sociale des cités, est un premier signe. Si tous les textes de rap ne traduisent pas une image dévalorisée de la femme, cette musique reflète une forte séparation des sexes. La sexualité dans les textes de rap est ostentatoire, l’accès aux belles femmes est associé à la réussite. Le rap, qui se veut l’expression d’un quotidien difficile, semble avare de sentiments et s’efforce souvent de les dissimuler. Il n’est pas à l’abri de véhiculer une conception archaïque de la femme dans un univers de marchandises.
Autre courant émergent d’un genre qui n’est oas non plus fleur bleue : la techno. Cette musique répétitive et le plus souvent sans parole ne favorise pas particulièrement le flirt. Cependant, la chanson d’amour traditionnelle, la bluette romantique, même malmenée par les modes, n’a jamais perdu ses droits et se trouve constamment une nouvelle jeunesse avec de nouveaux interprètes masculins ou féminins.

En ce début de XXIème siècle, on note un retour de la mélodie dans le mouvement hip-hop comme dans la techno.
Faut-il en conclure comme certains que ce retour de la mélodie annonce celui du flirt ? … à suivre

Pour continuer...

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