Petit-fils d’un tirailleur et fils d’un militant indépendantiste de l’époque de Sankara (un révolutionnaire burkinabé devenu président avant le coup d’Etat de Blaise Compaoré en 1987), Joey le Soldat a résolument la justice et la lutte dans ses veines.
Mais pour le combat, le rappeur du Burkina Faso, a choisi les mots comme arme. Diplômé de lettres modernes de l’université de Ouagadougou en 2010, il remporte aussi le clash d’improvisation du festival Waga Hip-Hop. Pendant quelques années, il enchaine les petits boulots et organise les samedi soir des soirées sound system.
En 2014, la jeunesse burkinabè renverse le président Compaoré à la tête du pays depuis 27 ans ! La même année, Joey le Soldat sort son premier album Burkin Bâ. Influencé par le rap américain et français, mais aussi par les griots africains, conteurs et musiciens, il rappe en Moré (une des langues principales parmi les 60 langues du pays) et en français, pour faire entendre à un maximum de monde ses textes très politisés.

En Afrique de l’Ouest, niché entre le Mali au nord, le Bénin et le Togo au Sud, le Burkina Faso est composé d’une soixantaine d’ethnies différentes. En 1984, le président Sankara décide de renommer le pays en Burkina Faso, addition d’un mot en Moré et d’un mot en Dioula signifiant Patrie des hommes intègres. Le président est considéré comme un héros de l’émancipation nationale mais des oppositions naissent face à la dureté de son régime. Il est évincé en 1987 par son second, Blaise Compaoré, qui reste au pouvoir presque 30 ans. Chassé par le peuple en 2014, des élections mettent à la tête du pays le président actuel Roch Marc Christian Kabore. Depuis l’indépendance, en 1960, le pays a connu 10 régimes politiques différents dont une majorité de régimes militaires. Aujourd’hui, pauvre (le Burkina Faso fait partie des 15 pays au PIB le plus faible au monde) et instable politiquement, le pays se retrouve en proie au terrorisme en tout genre.

C’est dans un climat d’insécurité que le rappeur Joey le Soldat décide de réaliser le morceau Etat d’Urgence. Il veut envoyer un message au président, Roch Marc Christian Kabore afin qu’il prenne ses responsabilités face à la pauvreté et au terrorisme.
Avec la hargne qui le caractérise et un flow lourd et sérieux, le soldat trempe sa plume dans les plaies du pays. Sur un fond trap, le rappeur fait un état de la violence mondialisée (« ils ont mondialisé la violence ») et appelle à la paix. Vigoureusement politique, rappé en français et en Moré, le soldat mêle hip hop et chants fédérateurs, pour s’exprimer au nom de son peuple, avec ténacité et toujours le poing levé.