Le rap français

Parcours
Mis à jour le 20 octobre 2022

XVI.
L’Ouverture : le rap français décomplexé

"Puerto Rico" Shy'm feat. Vegedream, 2019

3:08

"Cadavre exquis": l'inspiration oxymorique

Sur une production sobre et mélancolique, Eesah Yasuke livre les clés de son inspiration : c’est sa vie, vue comme un « cadavre exquis », qui fournira la matière de ses textes. La référence aux écrivains surréalistes est volontaire : elle rappelle l’importance de l’écriture poétique pour elle. Mais l’oxymore décrit aussi une vie prise entre « neige » et « glaise », entre légèreté et moments plus difficiles. A travers la métaphore des confiseries et pâtisseries, du « sucre » susurré par sa « muse », elle semble vouloir réinvestir de façon positive ces différentes étapes de sa vie : c’est grâce à elles qu’elle s’est tournée vers l’écriture et la scène, devenant ainsi « un fruit mur ». Cela n’écarte pas pour autant les moments où « l’on s’enlise »… mais qui n’empêchent pas de prendre la réalité à bras le corps et d’aller de l’avant.
Le clip, tourné dans un couvent désaffecté à Roubaix, joue sur cette ambivalence : si le décor évoque poussière et tristesse, la chorégraphie nerveuse et poétique offerte par Jordan Boury illumine cette vidéo. La beauté pour sublimer la misère.

Qui est Laylow?

Pour présenter Laylow, il faut parler de créativité, de ténacité et de liberté.
Ses premières expériences dans le rap passent par des projets en duo : d’abord avec un autre artiste toulousain, Sir’Klo, puis avec le montpelliérain Wit. Il y découvre son désir de liberté (un temps signé par un label important, il s’en détournera pour élaborer son propre univers) et commence à forger son esthétique.
Avec Osman Mercan, il se lance dans la réalisation de ses propres clips, en travaille chaque aspect visuel ; il passe des heures à s’initier et à maîtriser des logiciels de son et d’image afin de nourrir ses créations. Chacun de ses projets, pensé dans les moindres détails, donne lieu à une multitude d’interprétations.
Après des années de travail acharné, c’est le titre « Megatron », extrait de son premier album studio « Trinity » (2020) qui attire enfin l’attention du public.
« L’Étrange Histoire de Mr. Anderson » (2021) est quant à lui un album-concept, dont la sortie a été précédée par la diffusion d’un court-métrage du même titre, et qui met en scène la confrontation entre « Jey » (surnom tiré du vrai prénom de Laylow) et son alter-ego, Mr. Anderson. Ce dernier nom est une référence à Matrix : tout comme les films de Tim Burton, Fight Club ou Fast and Furious, il contribue à nourrir l’imaginaire et l’esthétique des projets de Laylow.
Lors de son concert à Bercy en mars 2022, Laylow a annoncé la fin de l’ère de cet album, et annoncé le prochain : ne reste plus qu’à attendre pour découvrir sa prochaine création totale !

Qui est Sniper?

C’est au tournant des années 90 et 2000 que trois jeunes rappeurs, venus du Val d’Oise, s’apprêtent à marquer le rap-jeu à jamais. En 1997, Sniper est né et toute une génération d’adolescents en fera son porte-voix. Le groupe émerge à une époque où, en France, les banlieues secouées par des émeutes font l’objet de toutes l’attention des médias. Et qui incarne le mieux, à la télé ou à la radio, ces événements que les rappeurs issus de ces quartiers ? L’étincelle polémique n’est jamais loin mais Sniper, comme de nombreux artistes, profiteront de cette exposition médiatique pour atteindre à un large public qui entend leur message. Figures incontournables de la scène française, Aketo, Tunisiano et Blacko, au flow de toaster ragga, disent le sentiment d’exclusion, la violence et les discriminations subies par ces jeunes qualifiés de « racailles » par Nicolas Sarkozy en 2005, alors ministre de l’Intérieur. Ils le font sans honte et sans ménagement, quitte à consumer de rage les éditorialistes et les politiques sur les plateaux télé.
En dix ans, Sniper a creusé le sillon d’un rap sans compromission. Le trio enchaîne les titres forts qui deviendront des classiques comme « Pris pour cible » extrait de leur premier album, Du rire au larme, disque emblématique du rap français sorti en 2001. L’album Gravé dans la roche publié deux ans plus tard bouillonne de morceaux iconiques. En 2006, « Trait pour Trait » assoie encore plus la popularité du trio alors que Blacko jette l’éponge l’année suivante. L’énergie de Sniper est sapée pour longtemps malgré des tentatives de réunions en 2018.
Désormais duo, Sniper ne lâche pourtant pas le micro. Plus mature, toujours militant, le parrain du rap a mûri, tout simplement.

"Fuck": un retour au goût amer

« Fuck » signe le retour de Aketo et Tunisiano en 2020 et traine une histoire compliquée. Une première version du titre sort fin 2019 avec la participation Blacko mais, brouille oblige, « Fuck » sera réenregistré cette fois sans lui. Qu’importe les emmerdes, Sniper sort ce titre étendard où le duo aligne les hypocrites, les envieux et les mauvaises langues. Tunisiano rappe le déterminisme et les galères de ceux avec une « ganache » et la rage qui va avec ; Aketo pose un regard lucide sur Sniper, ce que le groupe a été et ce qu’il est maintenant. Les temps changent, mais cela n’empêche pas le duo de garder la tête haute et se battre pour exister. Le clip, tourné en Thaïlande, illustre la posture. Foutu pour foutu, Sniper crame tout et s’offre une virée. La dernière ?

Qui est Sexion d'assaut?

Sexion d’assaut, est un collectif fondé en 2002. Il rassemble différents artistes et groupes de rap de la région parisienne et a compté jusqu’à une trentaine de membres. Aujourd’hui, ils sont sept : Gims, Black M, Lefa, Doomams, J R O Crom, Barack Adama et Maska.

Après différents projets, concerts, mixtapes et street albums, le premier opus du groupe, « L’Ecole des points vitaux », sort en 2010. Il rencontre un immense succès, malgré une polémique née de deux titres précédents et des propos tenus à leur sujet par Lefa dans la presse : « Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu’on est homophobe à cent pour cent et qu’on l’assume ». Suite aux plaintes de différentes associations de lutte contre les discriminations visant les personnes LGBTQI+, un accord est trouvé : les morceaux incriminés sont retirés des plateformes numériques et des bacs. Le groupe ne les joue plus en concert, fait distribuer des tracts de sensibilisation aux spectateurs et invite des membres des associations sur chaque date pour prouver sa bonne foi.

Après ce mea culpa, ils reviennent avec un street album, « En attendant l’apogée » (aussi connu comme « Les chroniques du 75 vol 2 ») en 2011 et « L’Apogée » en 2012. Ventes records, salles combles, vidéos virales sur les réseaux sociaux : le groupe est alors, bel et bien, à son apogée.

Les années suivantes voient la sortie de différents projets solos des artistes. Sexion d’assaut n’a pourtant pas disparu : les membres annoncent leur retour pour une tournée et un nouvel album, intitulés « Le Retour des rois ». Repoussée pour cause de pandémie, la tournée a finalement débuté en 2022. Et les fans attendent avec impatience la sortie de l’album…

« Ma direction » : trouver sa voie/voix et l’assumer

« Ma direction », comme un manifeste : les membres de Sexion d’assaut y retracent leurs parcours et revendiquent les choix et les sacrifices qu’ils ont faits pour percer dans le rap. Souvenirs douloureux d’école, bac pro qui ne paie pas, boulots qui cassent le dos, « flics sales qui rabaissent », galères diverses : ils rappellent d’où ils viennent et ce qu’ils ont laissé derrière eux ; mais si le succès les accompagne désormais, ils l’envisagent malgré tout avec précautions : il reste un « pont fragile », qui « te fume, à peine tu l’crapotes »…
Pas de volonté donc de se présenter en héros ou en « modèles pour les gosses », mais simplement de rappeler la force de la volonté qui fait aller de l’avant même si l’avenir semble écrit d’avance.
Le clip, se présentant comme une conférence de presse du groupe, souligne cette dimension revendicative du texte : il est question d’assumer qui on est, d’où l’on vient, les épreuves et échecs passés et la volonté de poursuivre dans la voie qu’on s’est tracée.

"Spécial": une folle histoire

« Spécial » est extrait du deuxième album studio de Laylow, L’Étrange Histoire de Mr. Anderson. Mr. Anderson, c’est l’un des noms du personnage principal du film Matrix, Néo. C’est aussi le pseudonyme de Laylow (notamment pour ses activités vidéo), et une sorte de double, de personnalité alternative, qu’il explore dans cet album.
« Spécial » s’intéresse donc aux frontières de la folie, à ces personnalités hors normes qui sont à la fois fascinantes mais aussi dangereuses, sans cesse sur le fil. Le texte s’adresse directement à un « tu » qui est valorisé pour son a-normalité, mais dont on perçoit la potentielle violence, sous-jacente, due à l’incapacité du monde à accepter et entendre cette différence. Il fait entendre la voix de Laylow, mais aussi celles de Nekfeu et Fousheé, invités sur ce son.
Le clip vient prolonger et sublimer cette thématique dans une série de tableaux très travaillés visuellement. Ils construisent progressivement une histoire croisée des trois personnages : Laylow, Nekfeu et Fousheé. Tous trois patients d’un hôpital psychiatrique nommé… « Mr. Anderson », clin d’œil à l’album et rappelant le jeu de Laylow autour du double et de l’altérité. Tous trois cherchant à échapper aux camisoles et à l’enfermement. Tous trois dont la violence, parfois extrême, trouve une sorte de justification visuelle : elle se retourne contre un agresseur ou une foule embourgeoisée, antithèses de la pureté des personnages.
Folie et violence habitent donc ce récit, mais l’atmosphère musicale planante fait ressortir la beauté et la poésie de ces images. Et Fousheé nous emporte dans sa course folle, nous faisant espérer pouvoir être, nous aussi, un peu « spécial ».

Qui est Winnterzuko?

Talent prometteur de la nouvelle scène rap, Winnterzuko a fait ses armes en parcourant les open mic. Il avance déterminé dans le rap jeu avec un flow solide et rapide à la croisée des mondes. Ses textes tout comme ses clips développent un univers sentimental, street et rétrofuturiste. Les synthés efficaces et les emprunts dance de ses instrus soutiennent à merveille un univers original. Que vous préfériez sauter sur la dance-trap de OFF ou sur les hi hat drill de Spaggiari n’ayez crainte, les basses et les lyrics qui frappent sont au rendez-vous.

Red Lebanese : petits tirages, grande créativité

Fondée en 2012 par trois copains qui partagent la même passion pour la photograpie, Red Lebanese est initialement une maison d’édition posant sur papier les clichés de Thomas Lebrun, Quentin Leroy (aka Mad Rey) et Pablo Jomaron. Au fil des sérigraphies, la maison grandit en suivant une direction artistique à l’image de ses créateurs, mais plus particulièrement celle de Mad Rey, dont le nom commençait à pas mal tourner dans Paris, puis bientôt dans tout le pays, depuis que le label D.KO a sorti en 2013 son titre “Quartier Sex” que tous les fans de house music s’arrachent. Ce succès va le mettre un peu plus sérieusement dans la musique, bien qu’il était déjà connu sous son alias de beatmaker, L-Rey. Aux albums photo vont alors venir s’ajouter des cassettes et, quelques parutions plus tard, Red Lebanese devient un label pour de bon avec la création du studio de production X8. Représentatif du travail de nos trois compères, le label propose des créations variées, toujours en tirages limités. A côté des albums photos et des clips trônent des compil de raggae, de beatmaking, des arrangements bruitistes, en plus du rap et des musiques taillées pour le club. De quoi régaler les yeux et les oreilles.

Music Production Controller : contrôler la musique sur ordinateur

Dans la musique assistée par ordinateur, un contrôleur est un instrument périphérique permettant de contrôler un logiciel de production de musique électronique sur ordinateur. Dans le milieu, circule aussi le nom de « contrôleur MIDI » pour Musical Instrument Digital Interface, qui se réfère au type de communication et au format de fichier musical envoyé entre un contrôleur (ou un instrument de musique électronique comme un synthétiseur) et un logiciel de production musicale (Ableton, Logic, etc.)

Le langage MIDI né officiellement en 1983, à une époque où le home studio commence à se démocratiser, mais il faut attendre les années 2000 pour que des contrôleurs MIDI apparaissent grâce à la miniaturisation, l’amélioration et l’industrialisation de l’informatique dédiée à la musique. Entre deux, des stations de travail MIDI telles que la MPC 60 en 1988 étaient déjà les stars du marché.

Abandonner sa souris et son clavier devient ainsi possible pour faire de la musique sur ordinateur ! Un contrôleur peut paraître à première vue bien plus complexe qu’une simple souris. S’il faut un peu de temps pour se familiariser avec cette interface, le contrôleur de production musicale est un outil fantastique placé au service de la créativité.

Composé de pads (ces gros pavés carrés colorés), le contrôleur permet par exemple d’assigner à ces boutons une piste précise sur le logiciel (une ligne de basse, une piste de synthétiseur, un kick, etc.), ainsi que des fonctionnalités précises (lancer une boucle, jouer avec des samples, gérer le volume, ajuster des effets audio, etc.) Certains modèles sont également équipés d’un clavier MIDI (qui ressemble à celui d’un piano). L’instrument permet ainsi de découper des rythmes, naviguer dans différentes textures, et jouer avec une diversité de samples.

Très utilisé pour les live de musique électronique, le contrôleur facilite grandement la gestion du logiciel et permet de rester constamment dans un flow créatif.

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