L'heure d'ouvrir le bal !

Parcours
Publié le 23 avril 2025

V.
Et maintenant : de la musique électronique pour faire revivre les musiques régionales

Avec l’avènement de la boîte de nuit à partir de la fin des années 50, le bal s’est fait détrôner en tant qu’espace de danse et de rencontre dédié à la jeunesse. Ouvertes toutes les nuits, ayant une jauge suffisante pour brasser les rencontres, construites pour convenir à la musique électronique et aux danses solo, proposant un débit de boisson diversifié…les boites de nuit ou discothèques, se sont adaptées à la transformation des modes de consommation et d’occupation des espaces par la jeunesse.
Pour autant, on assiste depuis quelques années à une résurgence des bals populaires, et, en particulier, des bals traditionnels ou bals trad, bals folk. Ce sous-genre du bal se démarque par quelques caractéristiques spécifiques : Inspirés des danses régionales (rondes, chaines..), leur répertoire se nourrit également des danses de couples. Très liés aux mouvements d’éducations populaires, les bals folks mettent moins l’accent sur la danse comme moyen de représentation de soi, que comme moyen de participation de l’individu dans le collectif.
On sent ici tout l’héritage de Mai-68 !

Le bal folk comme contestation de la société post-industrielle

Le bal folk tire ses racines du mouvement folk outre-Atlantique, qui en plein essor économique post-45, rassemble des jeunes états-uniens refusant l’American Way of Life tant qu’il cautionne les guerres impérialistes et la ségrégation raciale. En France, pour faire le parallèle, des révoltes estudiantines grondent à la fin des années 60 face à l’importation du modèle américain et à la naissance de la société de consommation de masse. Là où aux États-Unis, la figure du rambling-man (figure du révolté qui rejette toute attache capitaliste pour vivre sur les routes) incarne l’esprit folk, en France le chemin est tout autre. Pour exprimer un rejet de l’uniformité de la société de consommation de masse, le mouvement folk prend la forme d’un retour au régionalisme, fantasmant une société rurale pré-industrielle. Les folkeux prônent une musique faite par et pour le peuple, à la même époque où la musique devient un bien de consommation savante. Pour ce faire, s’opère un vrai travail de collectage dans les campagnes, notamment bretonnes et gasconnes, auprès des personnes âgées, pour retrouver des partitions, des savoir-faire ou encore des danses, menacés de tomber dans l’oubli face à de nouveaux modes de consommation culturelle.
Forts d’un travail de valorisation d’un patrimoine culturel, les folkeux mettent ensuite l’accent sur la pratique de ces traditions retrouvées. Ainsi, dans la droite lignée des courants d’éducation populaire, prônant une éducation collective en dehors des circuits institutionnels vers une société plus juste, le mouvement folk se donne pour mission de démocratiser et populariser à la fois la pratique musicale mais aussi celle de la danse. Dans les magazines liés à la tendance folk, on partage les tablatures de guitare pour que l’apprentissage de la musique se démocratise. Pour le reste, c’est là que le bal entre dans la danse. L’utilisation de ronde et de danses collectives permet, pour les folkeux, de déplacer le curseur de la représentation à la participation. Il s’agit lors d’un cercle circassien ou d’une bourrée auvergnate de faire corps et de partager un moment ensemble, plutôt que de maîtriser parfaitement une technique et de renvoyer une image sociale polissée.
Dans l’esprit des folkeux, organiser des bals, c’est créer des espaces partagés non-consuméristes, où l’on apprend par la pratique des usages culturels menacés par un mode de vie capitaliste.

En plein XXIème siècle, les bals folk prennent le contre-pied d’une vision éculée de la danse et des espaces qui lui sont dédiés : les boîtes noires des discothèques qui quelques décennies auparavant avaient pourtant vidé les places de village. Néanmoins, si la présence systématique de musiciens, ainsi qu’un déplacement de l’objectif des rencontres -on ne souhaite plus séduire mais plutôt faire collectif- semblent renouer avec les racines des bals populaires, les musiques régionales se mêlent aux rythmes électroniques. Plusieurs collectifs de musiciens s’emparent donc de ce sous-genre de bal pour faire revivre les musiques régionales tout en leur redonnant un goût actuel à l’aide des synthétiseurs. C’est le cas du Mange Bal.

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Portraits de Théodore Lefeuvre et Nils Kassap dits Le Mange Bal, source : Théâtre de la Ville, 2023

Qu'est-ce que le Mange Bal ?

Le Mange Bal est un projet musical fondé Théodore Lefeuvre, né au Mans en 1982, machiniste accordéoniste et claviériste. Au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris en Musiques Actuelles, il rencontre Nils Kassap, clarinettiste. Tous deux sont montreuillois et habitués des projets hybrides : Théodore Lefeuvre compose de la musique pour le théâtre et Nils Kassap faisait partie de l’Orchestre de Spectacle de Montreuil, créé par Matthieu Bauer lors de son mandat de direction au CDN de Montreuil.
C’est donc en quasi toute logique qu’ils assurent la paternité du Mange Bal : projet fusion entre le bal traditionnel et les musiques électroniques. Avec l’ambition de re-créer l’ambiance intergénérationnelle et participante des bals folk, les airs des musettes sont arrangés pour boîte à rythme et synthétiseurs. Sur la piste, on danse toujours la polka, les cercles circassiens ou la bourrée auvergnate. Les deux musiciens se font une mission de retrouver et remettre au goût du jour un patrimoine régional immatériel et en perdition, en allant rechercher des danses moins diffusées que les traditionnelles danses de bal : mazurka, valse, scottish…
Forts d’un succès grandissant pour les bals folks, le Mange Bal se déplace de piste en piste en France, Suisse, Belgique, en ville ou en campagne, reprenant la vision émancipatrice des bals folk comme endroit de joie collective.

Extrait vidéo du Mange Bal au Point Fort d'Aubervilliers, 2023

4:22

Pour conclure...

Sous toutes ses formes et ses différentes évolutions, qu’il soit utilisé pour polir les mœurs à la cour des rois et des puissants, ou au contraire les libérer grâce aux rockers et aux folkeux, le bal incarne un espace de rencontre. De rencontres entre jeunes gens, de rencontres entre danse et musique mais également de rencontres entre tradition et modernité. Rituel codifié, le bal demeure un endroit d’expérimentation, voire de subversion dont la portée politique dépasse les imaginaires préconçus.

Qui est Lucienne Delyle ?

Née en 1913 dans le 14ème arrondissement de Paris, Lucienne Delyle, de son vrai nom Lucienne Delache, n’était pas destinée à la chanson. Orpheline jeune, elle étudie pour travailler en pharmacie. Pour autant, elle ne laisse pas son rêve de musique de côté et participe à des concours radiophoniques qui la révéle au grand public. C’est grâce à ces concours qu’elle se fait repérer en 1939, à 26 ans, par le directeur du prestigieux label Polydor. Commence alors pour elle une carrière double d’animatrice radiophonique et de chanteuse.
Dans l’univers stéréotypé de la scène française des années 30, Lucienne Delyle devient rapidement, aux côtés de Piaf, une des chanteuses les plus connues et reconnues du pays. Elle emprunte d’ailleurs à La Môme, sa rivale, certaines chansons de son répertoire lors de ses concerts, entre deux valses caractéristiques du paysage musical de l’époque.

C’est pendant la Seconde Guerre mondiale que la carrière de Lucienne Delyle décolle. Face à l’adversité de la vie sous l’Occupation et les nouvelles désastreuses venues du front, les Français ne jurent que par la nostalgie du temps d’avant, rythmé par les chansons de… Delyle. Ce n’est pas un hasard si c’est en 1942 que parait “Mon amant de Saint Jean” valse enjouée aux paroles réalistes racontant les bals musettes des années 30, où les rencontres se font et se défont. Bien que son récit ne soit pas idyllique - l’amant s’avère être un beau parleur et la femme fait l’expérience amère de l’espoir déçu - le succès est au rendez-vous car cette chanson narre la vie d’avant. C’est également dans les années 40 que Delyle rencontre Aimé Barelli, trompettiste de jazz, qui sera son partenaire à la vie comme à la scène et le compositeur de nombreuses musiques pour ses chansons.

Au lendemain de la guerre, son style musical évolue. Adieu musette et nostalgie ! Lucienne Delyle travaille des disques aux accents jazz et se lance dans la chanson sentimentale. Ce tournant s’accompagne de ce qu’on appellerait aujourd’hui un rebranding. Elle coupe ses cheveux et se teint en blonde pour se conformer aux canons esthétiques de l’époque. On pense à Audrey Hepburn et sa coupe à la garçonne ou encore aux cheveux blonds peroxydés de Marylin Monroe de l’autre côté de l’Atlantique.

Lucienne Delyle, dont le succès ne faiblit pas, est même appelée par Bruno Coquatrix en 1953 pour la réouverture de l’Olympia. Malheureusement, très vite après cet ultime triomphe, une leucémie l’affaiblit terriblement et Lucienne Delyle s’éteint en 1962 à Monaco.

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