Coupé-décalé

Les significations de l’expression “coupé-décalé” sont aussi opaques qu’agitées. D’aucuns pensent que le terme “coupé” fait référence à l’arnaque et “décalé” à la fuite. D’autres ajoutent à l’expression l’adjectif “travaillé” qui, en argot ivoirien, signifie jeter l’argent par les fenêtres. D’autres encore font remonter le mot “coupé” à la ville d’Attié d’Akoupé au sud-est de la Côte d’Ivoire…

Bref. On ne saura jamais vraiment d’où le coupé-décalé tire son nom, mais ces hypothèses mettent à jour son caractère insaisissable et un brin scandaleux.

Né à la fin des années 1990 d’une bande d’ambianceurs, de fêtards et d’artistes d’Abidjan, le coupé-décalé est parfois joué à l’aide d’une guitare, d’une basse, d’une batterie ou de percussions, mais surtout interprété avec des synthétiseurs et des boîtes à rythmes. Sa rythmique ultra entraînante est immédiatement reconnaissable : à la fois dans et hors du temps - décalée en somme, elle engendre inévitablement des mouvements qui oscillent entre stabilité et chute tout juste évitée.

Il rappelle le zouglou, né une dizaine d’années plus tôt en Côte d’Ivoire, tout en en prenant le contre-pied. Ses thématiques sont bien différentes. Alors que le zouglou traite de sujets politiques et se veut dénonciateur, le coupé-décalé est, lui, totalement apolitique et célèbre “l’enjaillement” avec une bonne dose de tape-à-l’œil. Pas étonnant que ses pionniers se surnomment la Jet Set, avec à sa tête son président, Douk Saga. Il a également ses danseurs (qui mêlent ndombolo et hip-hop), ses DJs et ses maîtres de cérémonie, tels que Boro Sanguy, DJ Jacob, Lino Versace…

Plus qu’une danse, le coupé-décalé est une véritable sous-culture avec ses codes et son vocabulaire propres. Ainsi, les “boucantiers” (faiseurs de boucan) sont adeptes du “travaillement” (distribuer les billets de banque avec ostentation) au cours de fêtes qui ne s’arrêtent qu’à l’aube.

Très rapidement, le coupé-décalé s’exporte de la Côte d’Ivoire où il fait fureur et se diffuse largement à la radio ou dans les discothèques d’Afrique de l’ouest avant de gagner Paris au tout début des années 2000. Une communauté ivoirienne y grandit après avoir fui la guerre civile. C’est là que Douk Saga et sa bande d’amis chanteurs forment la Jet Set et convertit les boites de nuit parisiennes à la chaleur frimeuse du coupé-décalé.

Différentes générations s’emparent du style, créant une multitude de sous-genres et sa rythmique enjaillante perdure, particulièrement dans la pop et le rap.