Être Afro-Américain

Parcours
Publié le 6 juillet 2021
Mis à jour le 17 novembre 2022

L’histoire des Afro-Américains débute en 1492, lorsque l’Amérique et ses immenses richesses sont « découvertes » par Christophe Colomb. Les colons européens ont alors besoin de bras pour exploiter les ressources énormes de cette terre pleine de promesses. Où les trouver ? En Afrique, en arrachant des hommes, des femmes, des enfants à leurs familles et leurs terres pour les faire travailler. C’est la naissance de l’esclavage où ces pauvres gens, perdus et isolés, s’implantent d’abord dans le Sud pour récolter le tabac et le coton, puis dans tous les États-Unis. Ils chanteront leur quotidien, les bleus de leur âme (le « blues ») en mélangeant les rythmes des pioches et des outils, le son d’instruments bricolés comme le banjo, aux traditions orales africaines. Ils inventeront le blues, puis le jazz, la soul, le rhythm ’n blues et encore le funk, le hip hop et le rap. Tous ces styles font écho à la condition des Noirs-Américains avant de devenir des musiques mondiales. Ici, cinq morceaux pour évoquer leurs vies à travers plus d’un siècle d’histoire.

Image d’illustration : Hannah Grace via Unsplash
Image d’en-tête : Capture d’écran du film “Get Out”, réalisé par Jordan Peele (2017)

I.
Les fruits du Sud

"Strange Fruit", Billie Holiday, 1939

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portrait photo de Billie Holiday, 1938 (crédits : Underwood&Underwood/Corbis)

Qui est Billie Holiday ?

Née en 1915 à Baltimore, au Nord des États-Unis, d’un père musicien et d’une mère très jeune, souvent absente, Billie Holiday grandit dans la misère. Elle subit la faim, la violence, l’abandon, les foyers et maisons de correction. En 1929, elle s’installe à New York où elle chante dans les bars pour gagner un peu d’argent. Elle est dotée d’une voix extraordinaire qu’elle travaille seule jour après jour. Quelques années plus tard, elle est repérée par John Hammond, producteur chez Columbia qui découvrira Aretha Franklin, Bob Dylan et Bruce Springsteen. C’est le début d’une carrière prometteuse, malgré le racisme dont elle est souvent victime. Chanteuse noire parmi des musiciens blancs, elle est parfois interdite de scène surtout dans les états du Sud. Elle s’accroche et le succès arrive. « Lady Day », « God Bless The Child » ou « Lover Man » lui font connaître une renommée mondiale mais c’est le bouleversant « Strange Fruit », un de ces premiers titres et premier titre polémique du blues, qui restera son morceau le plus emblématique. Immense dame de la musique, Billie Holiday reste fragile et sombre dans l’alcool et les drogues. Celle qui fut l’une des plus grandes voix du blues et du jazz s’est éteinte en 1959, à 44 ans.

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Lynchage de Tom Shipp et Abe Smith dans l’Indiana, le 7 août 1930, photographie de Lawrence H. Beitler © NY Public Library, digital collections.

Contexte : Le racisme, un mal tenace

La situation des Noirs-Américains ne s’améliore pas avec la fin de l’esclavage, loin de là. Le racisme reste profondément enraciné dans les mentalités. Après la guerre de Sécession, certains états du Sud installent la ségrégation raciale dès 1875. Noirs et Blancs vivent dans des quartiers séparés. Les « colored people* » ne peuvent boire qu’à des fontaines qui leurs sont réservées, faire leurs courses dans certains magasins, étudier dans des écoles ouvertes exclusivement aux enfants noirs. Tout mélange entre Noirs et Blancs est réprimé, souvent dans la violence. La violence est en effet le lot quotidien des Afro-Américains : insultés, battus, assassinés, lynchés… ce n’est que des années plus tard que la lutte s’organisera contre la ségrégation.

  • Les « coloured people » ou « colored people » : terme péjoratif pour désigner les personnes non-Blanches, tout particulièrement utilisé aux Etats-Unis pour les Afro-Américains. Il était aussi utilisé en Afrique du Sud, autre pays ségrégationniste, pour identifier les personnes métisses, nées de parents d’origines européennes et africaines.

"Strange Fruit", Billie Holiday, 1939

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« Strange Fruit » en quelques mots

À l’origine, « Strange Fruit » est un poème écrit par un professeur de lycée juif du Bronx et membre du Parti Communiste américain, Abel Meeropol, sous le pseudonyme de Lewis Allan au début des années 1930. Choqué et révolté par les lynchages impunis, surtout au Sud des États-Unis, dont les images circulent dans tout le pays, Meeropol écrit ce texte pour dénoncer les violences commises sur les Afro-Américains. Billie Holiday entend ces mots dans un café de New-York et ceux-ci résonnent en elle. La chanson est éloignée de son répertoire et elle hésite longuement avant de se l’approprier. Billie Holiday l’enregistre finalement en 1939. Sa voix fait entendre l’émotion à nue, accompagnée par un jazz minimaliste et intime. L’interprétation de Billie Holiday, lente, posée, est tellement puissante, habitée et intense, que « Strange Fruit » sidère les spectateurs. Elle devient l’une des premières « protest song*».

Paroles de "Strange Fruit"

Southern trees bear strange fruit Blood on the leaves and blood on the root Black bodies swinging in the southern breeze Strange fruit hanging from poplar trees Pastoral scene of the

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