Né en 1929 dans une famille d’industriels bruxellois, Jacques Brel est passionné par l’écriture dès l’âge de 15 ans. Il compose ses premières mélodies sur le piano en autodidacte mais sa famille le dissuade de continuer dans cette voie. Le jeune homme persévère et son talent est reconnu en 1953 par Jacques Canetti le grand directeur artistique et patron du fameux cabaret Les Trois Baudets. Enfin le succès : il chantera à l’Olympia et à Bobino, irradiant les scènes de son chant tout tendu vers l’absolu. Disparu trop tôt à 49 ans, il a écrit d’extraordinaires chansons dont nombre de chef d’œuvres, notamment “Ne me quitte pas”, “La valse à mille temps”, “Au suivant…” Il fût également un acteur remarqué.
Au-delà du chanteur, l’homme Jacques Brel est apprécié comme un artiste percutant, sensible et généreux. Ses textes et ses nombreuses interviews révèlent un homme peu banal, séduisant, par son immense talent mais aussi par ses qualités de cœur, ses provocations, ses pirouettes et ses formules.

En 1956, la Guerre d’Algérie s’est installée alors que les Trente Glorieuses apportent confort et, croissance, malgré la menace que fait planer la Guerre Froide. Les cabarets parisiens autour de Saint-Germain-des-Prés ne désemplissent pas et sont fréquentés par des artistes, des musiciens de jazz réfugiés à Paris et des intellectuels partagés entre frivolité et conscience politique de gauche.

Jacques Brel écrit et chante Quand on n’a que l’amour en 1956. Comme il est de coutume à cette époque, elle connaîtra plusieurs enregistrements, arrangements et interprétations. Cette chanson est un exemple du « crescendo brélien », procédé qui consiste à structurer la chanson selon une progression dramatique dans l’écriture et l’interprétation.

Le morceau débute calmement avec Brel et sa guitare, qui joue trois accords sur un rythme simple tourné en boucle. Cet ostinato s’étendra tout le long de la chanson : noire, deux croches, noire. A cela s’ajoutent progressivement plusieurs instruments de la section cuivre de l’orchestre : trombones, trompettes, cors et tuba constituent le socle harmonique pour la voix puissante de Brel. Une trompette soliste s’épanche dans un contre-chant, à la manière du rossignol chantant à l’extérieur de la chambre des amants.

La chanson est construite comme une ascension en tous points : la mélodie dont le registre se déplace du grave vers l’aigu, les instruments s’ajoutant pour créer un crescendo progressif et l’interprétation du chant de Brel dont la puissance vocale et l’expressivité prennent peu à peu de l’ampleur. Une chanson qui traduit le sentiment de l’amour immense, qui dépasse tout, se terminant avec « le monde entier ».

Universelle et intemporelle, cette chanson fera vibrer la Cour des Invalides à Paris en novembre 2015 en hommage aux victimes des attentats terroristes de Paris. Portée par les voix de Camélia Jordana, Yaël Naïm et Nolwenn Leroy, « Quand on n’a que l’amour » transporte alors un message de paix, d’union et d’espérance contre la violence et la barbarie.