Qui suis-je?

Le “ Qui suis-je ? “ de Béart, comme le “ que sais-je ? “ de Montaigne*, exprime un doute face à toutes celles et ceux qui voudraient figer une vérité, une marche à suivre, en oubliant l’infini mouvement de la vie. Mais ce doute n’est pas pour autant enfermement dans le désespoir, ce que la mélodie entraînante (et entêtante), le rythme joyeux et les couleurs apportées par la mandoline et l’accordéon en contre-chant nous rappellent.

Fausse autobiographie, la chanson interroge la société qui entoure Béart et qu’il observe d’un regard défiant. Chaque couplet semble s’intéresser à un moment de sa vie (naissance, enfance, service militaire, âge adulte…). Mais les questions originelles, “ qui suis-je ? qu’y puis-je ? “ sont abandonnées dès le deuxième couplet : c’est maintenant à tous et toutes qu’elles sont adressées, questionnant nos places et nos postures face à ce monde qui bouge et change, qui bouleverse, heurte et ne nous laisse jamais en repos.

Il décrit alors l’absurdité qui mène à oublier notre lien vital avec la nature - à une époque encore bien peu préoccupée d’écologie -, à nous enfermer dans des savoirs et des idéologies qui seront tôt balayées, à ne plus savourer le plaisir de l’erreur, des chemins détournés et des sentiments.

Dans ces méandres, il semble nous rappeler l’importance des choses humaines, changer, rêver, espérer, danser, aimer, ce mouvement de la vie trop souvent étouffé par les impératifs sociaux et les certitudes.

Car le scepticisme de Béart face à ce monde qu’il ne comprend pas ne le pousse pas pour autant au repli sur soi. C’est toute la beauté de son cri final :
“ Et pourtant je me jette,
Et j’aime et je me bats,
Pour des mots pour des êtres
Pour cet homme qui va “.
Et s’il ne sait “ plus au juste en quoi “ il croit, il garde pourtant vivants cette espérance et ce mouvement vers les autres. Dans ce déséquilibre et cette tension, cet inachèvement permanent, réside notre humanité.

Montaigne :
Philosophe de la Renaissance française. S’interrogeant sur notre capacité humaine à atteindre une vérité, il juge que tous nos moyens de connaissance sont biaisés, nos sens, nos sentiments, et qu’aucun des savoirs que nous cherchons à construire ne peut être établi de façon définitive. Selon lui, on ne peut pas affirmer “ je sais “, mais on doit se contenter de la question, modeste : “ Que sais-je ? “.