Style
En 1977, en Angleterre, le punk perd de sa superbe iconoclastie. Passée la surprise de sa verve provocatrice et riche de possibilités, le punk tend à devenir une tendance commerciale, ou tout bonnement à s’affaisser, faute de cohésion (normal, me direz-vous) entre les composantes du mouvement.
La vision no future du punk visait à mettre à bas les institutions existantes. Faire table rase, oui, mais en proposant quoi ? C’est là que ça a coincé pour le punk, et qui dérange une partie de ses adeptes. Non seulement ne proposait-il plus rien d’innovant en termes artistiques, mais aussi n’apportait-il pas de réelle alternative à ce qu’il entendait détruire. Se développe alors chez certains un désir de s’éloigner du nihilisme du punk, et notamment chez les ferments du mouvement comme Johnny Lydon, chanteur des Sex Pistols, qui fonde Public Image Limited en 1978, marquant ainsi le prolongement de ses ambitions sous une nouvelle forme. Plutôt que la destruction, il fallait prôner la construction.
Le post-punk incarne cette nouvelle aspiration. Il s’agit de construire, innover, expérimenter, tout en conservant l’éthique du DIY (“Do It Yourself”) du punk. Faire de la musique soi-même, certes, mais en s’entourant de personnes, de labels, de disquaires à même de faire fonctionner une nouvelle économie, un circuit indépendant radicalement éloigné des tendances majeures et auto-suffisant. S’érigent alors des entités et des lieux fondateurs. Rough Trade en Angleterre, SST Records aux États-Unis, deviennent le foyer de tous ces artistes en quête d’expérimentations et d’un environnement social et artistique dans lequel exister, vendre ses disques et se produire en concert. Se tisse ainsi un réseau de médias, de producteurs, de salles et de disquaires indépendants qui tiennent lieu de parfait contrepied aux majors.
Le post-punk conjugue l’esprit de contestation du punk et l’approche intellectuelle du rock progressif. Une musique novatrice, dérangeante et dans l’ère du temps, pour un propos qui l’est tout autant. Le spectre sonore du post-punk intègre une multitude d’influences (funk, reggae, krautrock, jazz, etc.), et se branche aux dernières évolutions technologiques (synthétiseurs, boîtes à rythme, pédales d’effet). Doté de plusieurs couches sonores, d’une voix distanciée, de fortes lignes de basse répétitives, de percussions métronomiques et de guitares souvent dissonantes, il adopte souvent un caractère hypnotique et décharné. Pour autant, ses adeptes peuvent aussi bien proposer un son froid et industriel, tels Joy Division et Bauhaus, comme plus frénétique voire dansant, avec Gang of Four ou les Talking Heads.
Si l’année 1984 est souvent admise, et notamment par l’auteur et journaliste Simon Reynolds, comme la fin de “l’ère post-punk”, c’est qu’elle marque la dissolution de l’identité à la fois musicale et politique du genre. D’une part, avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan au pouvoir en Angleterre et aux Etats-Unis, le propos du post-punk perd de son adhérence face au néolibéralisme. D’autre part, l’esthétique du genre se scinde en plusieurs sous-genres qui s’émancipent graduellement de l’image “punk” (la cold wave, la new wave, l’indie rock, le shoegaze etc.) et affaiblissent son caractère subversif original.
Toutefois, le post-punk continue d’infuser. Plus qu’un style, il a apporté une nouvelle manière de concevoir la musique, sa consommation et sa diffusion que s’attache à conserver les réseaux indépendants. Le post-punk en tant qu’esthétique connaît même un revival depuis les années 2010 incarné par de fortes têtes, telles IDLES, Fontaines D.C. ou Squid.
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