Morceau
Essayez de répéter dix fois d’affilés : “What they talkin’ ‘bout? They ain’t talkin’ ‘bout nothin’ “ sans bégayer ni avaler une syllabe. Pas facile ! Et pourtant, cet exercice digne d’un virelangue est un couplet entier de “Peekaboo” de Kendrick Lamar et AzChike. Extrait de l’album-surprise GNX sorti à la fin de l’année 2024, ce morceau court mais intense voit ses phrases s’enchaîner les unes après les autres sur une prod trap. Les paroles se rassemblent et se confondent, avec l’usage volontaire de répétition et d’une grande vitesse.
Le morceau s’ouvre sur une ambiance soul, tranquille, avant de basculer. En se concentrant sur les paroles pour en comprendre le sens, on se rend vite compte que Kendrick Lamar ironise sur la frivolité des choses, sur les faux-semblants et sur ces personnes qui ne sont que façades. Il enchaine les références à la pop-culture : le basketteur Kobe Bryant, Instagram Live, la chaîne de restaurant Chuck E, des memes anglophones… Chaque phrase commence par ce mot, ce gimmick : peekaboo (le jeu du “coucou ?” en français). Ce cache-cache pour tout-petits avec sa fausse surprise et sa répétition lui donne ici un caractère presque inquiétant. Comme si soudainement, ce qui était caché était révélé. Puis, cette question-réponse en boucle : “de quoi parlent-ils ? / ils ne parlent de rien”. Le couplet suivant se moque de ces rappeurs dit “poseurs”, des frimeurs qui s’inventent une vie plus intéressante qu’elle ne l’est en réalité. Et bien sûr, cette fameuse phrase, “bing-bap-boom-boom-boom-bap-bam / the type of shit I’m on you wouldn’t understand”, entendue partout sur Tik Tok, elle est détournée pour mettre en musique de manière ironique des vidéos de chutes de chats ou d’humains. Un comble pour un morceau qui est clairement une critique de la société de l’apparence et du matérialisme, alimentée par les réseaux sociaux, où chacun se met en scène mais où rien n’a de vraie profondeur…
Le titre “Peekaboo” est très rythmé et percussif, et se détache du reste de l’album par ce côté un peu frimeur de l’artiste qui sait rapper vite. AzChike qui rappe notamment sur l’accroche, a expliqué en interview que c’était un vrai défi technique que de réussir à poser ces paroles sans en perdre la moitié. Il s’est notamment appuyé en cabine sur une backtrack posée par Kendrick Lamar pour réussir à suivre le rythme. Une autre forme d’ironie ici, avec un Kendrick Lamar presque insolent qui nous montre à quel point tout finalement est facile pour lui.
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