Papa Wemba

Artiste

1949 - 2016

Lubefu, République démocratique du Congo

Qui est Papa Wemba ?

Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba est né dans le village de Lubefu, province du Kassaï, dans ce qui était alors le Congo Belge. Fils aîné de la première des quatre femmes de son père, un ancien soldat de l’armée belge devenu chasseur, donc souvent absent, le petit Jules est appelé Papa. La capitale Léopoldville (future Kinshasa) le voit grandir dans le quartier populaire de Matonge. Sa mère l’emmène partout sur son dos : au marché, où elle vend des cacahuètes, mais aussi dans les veillées mortuaires, où elle exerce la fonction de “pleureuse”. Ainsi s’imprègne-t-il des mélodies et techniques de voix qui font circuler l’émotion. Jules sert la messe, mais ne peut s’adonner à sa passion de la musique qu’en 1966, à la mort de son père qui le lui interdisait.

D’abord surnommé “Presley” par ses copains du groupe Los Nikelos qui étudient en Belgique, la vraie vie de chanteur du jeune Papa Wemba démarre en 1969 quand il fonde à 20 ans le groupe Zaïko Langa Langa avec le guitariste Félix Manuaku, alias Pepe Felly, et Nyoka Longo dit Jossart. Les voix d’Evoloko et Jossart, puis celles de Bozi Boziana et Gina Efonge s’entrelacent à merveille avec celle de Papa Wemba. Impressionné par le show de James Brown, qui se produit à Kinshasa à l’occasion du fameux combat de boxe entre George Foreman et Mohamed Ali en octobre 1974, le groupe introduit une dose de funk et un jeu de scène qui donnent à sa rumba un swing irrésistible. Il s’impose rapidement en leader de la 3ème génération de la rumba congolaise.

Exclu du groupe à l’automne 1974, Wemba tente deux expériences collectives, Isifi Lokolé puis Yoka Lokolé, avant de fonder son propre groupe fin 1976. Il le baptise Viva La Musica en clin d’œil au salsero new-yorkais Johnny Pacheco. Le concert inaugural du groupe a lieu le 26 février 1977 au Type K (prononcer “tipica”), le club de Tabu Ley Rochereau. Wemba fut son élève dans les années 60 et chante dans son orchestre Afrisa International en 1979. Le succès de Papa Wemba ne tarde pas à exploser à Kinshasa et en Afrique. Chanteur adulé, il s’affirme également en fomenteur des modes vestimentaires. Ses fans l’intronisent comme le “pape de la SAPE” (Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes).

Au début des années 1980, commencent les premiers voyages en Europe. Papa Wemba enregistre à Bruxelles sur le label du grand maître Franco, Visa 80. En 1983, il va passer huit mois en Europe, laissant son épouse Amazone s’occuper de Viva la Musica. Paris, Londres et Tokyo n’auront bientôt plus de secret pour l’artiste, qui s’installe en Europe en 1986. Dès lors, Papa Wemba va mener deux carrières parallèles. L’une est dédiée aux publics africains, qu’il tient à alimenter chaque année en nouvelles chansons, l’autre aux publics internationaux qu’il souhaite conquérir.

Wemba agit à Kinshasa en Papa d’une famille très large, constituée par ses proches et de toutes celles et ceux qui s’inscrive dans la mouvance de Viva La Musica. Le groupe fonctionne comme une école où se font connaître de nombreux musiciens et chanteurs de talent, comme Kester Emeneya, Fafa de Molokaï, Rigo Star, Luciana, Stino Mubi, Cele Le Roi, Reddy Amisi et bien d’autres. Ils ont pour lieu de répétition la petite maison héritée des parents de Wemba, qui l’a rebaptisée Village Molokaï et dont il s’est auto-proclamé le grand chef coutumier.

En 1987 paraît “La vie est belle”, film du cinéaste belge Benoît Lamy dans lequel Papa Wemba tient le premier rôle, équivalent à celui qu’il joue dans sa vie de jeune vedette congolaise. Les publics japonais et occidentaux tombent sous le charme du chanteur à la voix de rossignol. Entre 1988 et 1992, il assoit son succès à force de tournées en France, au Japon puis aux États-Unis. Conçu avec les meilleurs chanteurs issus de Viva la Musica qui l’ont suivi en Europe, son show est une grande bouffée d’airs nouveaux, de bonne humeur, d’excellente musique et de danses désopilantes.
En 1993, Peter Gabriel emmène les Congolais en première partie de sa tournée internationale. Émotion, album très pop réalisé par le talentueux chanteur compositeur congolais Lokua Kanza pour Real World, le label de la star anglaise, marque l’avènement de Molokaï, groupe réservé à la carrière internationale de Papa Wemba. Voix de velours, prestations impeccables, son art fait mouche auprès du grand public occidental.

En 1999, il fête ses 50 ans et ses 30 ans de carrière successivement au Forest National de Bruxelles, au Zénith de Paris et au Stade des Martyrs à Kinshasa où se déroule une semaine de festival. Les Congolais viennent en masse saluer leur idole, qui a révolutionné la musique de son temps, le formateur qui a donné sa chance à plusieurs centaines de jeunes artistes, le généreux soutien des enfants des rues de Kinshasa. C’est en sa qualité d’homme sage (Mzé), entouré de deux troupes de jeunes danseuses, les Fioti Fioti et les Nyo Nyo, de son groupe kinois Nouvelle Ecrita, ainsi que de nombreux invités, que Papa Wemba aborde à Paris le réveillon du nouvel an 2002 au POP Bercy.

En février 2003 éclate “l’affaire Papa Wemba”. Soupçonné d’avoir facilité, moyennant finance, l’entrée en France de plusieurs centaines de ressortissants de son pays, le chanteur est arrêté et passe trois mois et demi en prison préventive. Jugé pour “aide à l’entrée ou au séjour irrégulier, faux et usage de faux, et association de malfaiteurs”, Papa Wemba sera condamné à 10 000€ d’amende et à 4 mois de prison avec sursis. Fortement déstabilisé par sa détention, le chanteur déclare, amer : « J’ai été malmené par la presse, surtout la presse française. Dans cette affaire, je pense avoir fait les frais de la politique. »

La conséquence de cette malheureuse affaire est l’arrêt brutal de sa carrière, qui pénalise par ricochet l’économie de toute une communauté artistique contribuant aux activités du chanteur, répartie entre l’Europe et Kinshasa. S’ensuivent sept ans de traversée du désert, durant lesquels Papa Wemba recentre son activité à partir de la capitale congolaise. Après son retour en studio à partir de 2006, le rythme des enregistrements reprend un cours régulier.

Plus discret sur les scènes occidentales, le “Vieux Bokul” est toujours très sollicité en Afrique. C’est alors qu’il entamait sa quatrième chanson, en vedette du Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo (Femua) à Abidjan, qu’à 5h du matin le 24 avril 2016 s’est écroulé devant son public celui qui n’avait toujours vécu que pour et par la musique et la scène. Il quittait cette terre comme il l’avait souhaité… Et l’hommage unanime que lui rendirent les publics africains était à la hauteur de cette immense estime qu’ils lui ont toujours portée.

Par François Bensignor. Crédits photo vignette : © AFP - Alternative Corp

Playlist

« Yolele » par Papa Wemba, 1995

3:38

« Analengo » par Papa Wemba, 1985

5:50

« Santa » par Papa Wemba, 2014

7:51

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