Artiste
Bermersheim, Allemagne
Abbesse, guérisseuse, compositrice, poète et illustratrice, Hildegard Von Bingen fascine près d’un millénaire après sa naissance.
Née en 1090 en Allemagne rhénane et très tôt confiée à l’éducation religieuse, Hildegard dit être sujette à des visions mystiques dès l’âge de trois ans. Comme beaucoup d’écrivains et d’artistes, tels Lewis Caroll ou Richard Wagner, les visions d’Hildegard sont considérées par la médecine moderne à des migraines ophtalmiques, expliquant les auras et flash lumineux circonscrits dans son livre Scrivias. Elles l’ont pourtant amenée à se passionner pour différents champs disciplinaires tout à fait éclectiques comme la médecine, l’astrologie, la poésie ou encore la musique. Femme éduquée, Hildegard Von Bingen est d’ailleurs considérée comme la première naturaliste d’Allemagne et elle finit par être une des médecins les plus réputées de son époque. En effet, la religieuse est connue pour ses recettes aux vertus médicinales mais aussi ses études des humeurs et du corps humain.
C’est dans cette croyance à la virtuosité de la musique pour l’âme, qu’elle devient compositrice, à l’époque où la musique n’était pas tolérée dans les offices religieux et où les femmes ne pouvaient chanter dans les églises. Ainsi, persuadée du bien-fondé de la musique pour élever et guérir l’âme, elle compose plus de soixante-dix chants liturgiques. On retrouve même dans son œuvre un drame liturgique, “Ordo Virtutum”, composé de quatre-vingt-deux mélodies mettant en scène l’âme tiraillée entre le vice et la vertu. Ce drame est la seule pièce musicale médiévale à être arrivée jusqu’à nous.
Cette passion pour la musique et cette croyance très ancrée selon laquelle la musique guérirait l’âme et permettrait une meilleure adoration de Dieu lui attira les foudres de ses supérieurs ecclésiastes. En effet, Hildgard Von Bingen créait une musique très complexe et incarnée à l’inverse de la sobriété recommandée : ses chants traversent plusieurs modes, quitte à toucher la dissonance. Toujours dans une idée d’incarnation, quasi-théâtrale, Hildegard Von Bingen parait de longues robes blanches et de bijoux ses chanteuses, assurant qu’il fallait se présenter devant Dieu comme devant son époux.
Plus étonnant encore dans la musique de Hildegard, elle écrivait ses partitions sans annotations ou instructions précises : pas de tempo, pas de durée. En effet, Hildegard n’a pas reçu d’éducation musicale. Elle retranscrit à l’aide de moines et du système médiéval des neumes ses visions pour écrire ses partitions. A l’instar de son invention littéraire la lingua ignota (“langue inconnue” en latin, avec laquelle elle écrit des recueils entiers de poème), on peut interpréter l’écriture musicale d’Hildegard Von Bingen comme une autre invention linguistique.
Novatrice et touche-à-tout, la figure d’Hildegard Von Bingen nous revient peu à peu alors que l’étude des femmes oubliées de l’histoire des arts prend son essor. Elle est canonisée en 2012.
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