Compas

Aussi écrit kompa ou konpa

Le compas est sans doute la musique la plus universellement identifiée comme haïtienne. Née au milieu des années 1950, elle est d’abord une création du saxophoniste Nemours Jean-Baptiste, qui crée le “compas direct”. Il s’agit selon lui d’un rythme commercial et facile à danser : son effet sur les pistes est en effet direct. Un défi que son rival Webert Sicot entend relever en mettant aussitôt au point un style nommé “cadence”. Ces deux nouvelles danses vont enflammer les pistes dans toutes les petites Antilles et finir par fusionner. La vogue du compas / cadence va durer une bonne trentaine d’années, détrônant la méringue, danse nationale officielle d’Haïti.

Le compas connaît ensuite de nombreuses évolutions. Teintée de rock à la fin des années 60 avec les groupes dits “mini-djaz”, il pare de tonitruantes sections de cuivres à la fin des années 70, puis s’approprie l’attirail électronique des synthétiseurs dans les années 80. Henry Gesner, alias Coupé Cloué, figure parmi les artistes de compas les plus populaires, aux deux sens du terme. Il tient son surnom de l’époque où il jouait comme arrière dans l’équipe de football des Aigles Noirs. Son style nonchalant, qu’il a intitulé “compas manba”, et son jeu de guitare, qui révèle certaines affinités avec le style des guitaristes de rumba congolaise, sont un vrai régal. Quant à ses paroles, elles jouent volontiers sur le registre du double sens grivois.

Le destin international du compas s’est joué à partir de New York, où ont du s’exiler les musiciens du groupe Tabou Combo en 1971, fuyant la dictature des Duvalier. Ils y concoctent un style énergique, où les cuivres rutilant empruntent à la salsa et où la basse, pivot central du balancement incomparable du compas, prend une dimension sonore très rock. Ce son irrésistible va devenir le modèle pour toutes les grandes formations de compas, et donner des idées aux inventeurs du zouk.

Parallèlement, en Haïti, se perpétue l’art du compas avec des formations comme celle des Frères Déjean, dont le registre va du son rural originel à celui des big bands cuivrés. D’autres styles de compas sont apparus, certains tirant vers le jazz ou le jazz-rock, comme celui de Zéclé. L’arrivée des boîtes à rythmes et des synthétiseurs a bien sûr transformé le son du compas des années 80-90. Et comme beaucoup d’autres genres musicaux, le compas contemporain se teinte aussi de hip-hop ou d’électro. Même Wyclef Jean sait faire honneur à la musique de son île natale.