Comment est ta peine

Benjamin Biolay est un chat musical : il a vécu plusieurs vies. À une époque actuelle où la notoriété des stars se construit avant vingt ans - Angèle, Billie Eilish et j’en passe -, le crooner a connu la célébrité sur le tard. D’abord auteur et producteur dans l’ombre des plus grands, c’est comme s’il avait eu tout le temps d’arriver à maturation, de se découvrir, de construire son identité, en secret, avant de se révéler. Aussi, le temps passé à enchaîner les succès critiques sans réellement trouver son public a forgé le Benjamin Biolay que l’on connaît aujourd’hui.
L’indépendant, celui qui fait fi des conventions. Plutôt pop et jazzy à ses débuts, Biolay ose, avec “ Comment est ta peine ? “, un virage d’autant plus rock, fortement teinté d’électro. Il garde d’abord la recette qui fit son succès : sa voix basse, rocailleuse, suave, envoûtante, presque sensuelle sans le vouloir. Bref, une voix de la maturité, qu’il doit aussi sans aucun doute à son parcours semé d’embûches et ponctué de solitude. L’esthétique est rock, fait la part belle aux guitares mais tire aussi sur l’électro avec une grosse caisse omniprésente et des nappes de synthés en fond. Le riff que l’on entend dès le début reste dans la tête, et semble être joué au thérémine, cet instrument tout droit venu d’une autre planète. Le chanteur démontre aussi encore dans ce morceau la force de ses textes, et sa facilité à transmettre la nostalgie et le spleen. Le tout est servi par une très belle réalisation en bord de mer, en noir et blanc, poétique, dansante, mélancolique, avec au centre la femme, belle et lumineuse, comme sujet de tristesse. Par moments, Biolay apparaît, vide, résigné, souffrant, brisé par la rupture. Toujours le coeur caché derrière ses grosses bagues, derrière ses grandes lunettes de soleil, sous son gros blouson de cuir. Dans une fin lumineuse, la femme semble même chanter avec lui.
Comme les vagues de la mer, Biolay sait comment emporter nos coeurs.