Style
Il est temps de parler de chicha ; non pas du narguilé ou de la boisson de maïs fermenté, mais plutôt d’un courant musical péruvien des années 70, né à Lima, la capitale du pays.
Aussi appelée la tropicale andine ou la cumbia andine, ce qui donne déjà un bel aperçu de ce qui la caractérise, la chicha est le produit des mouvements de population au Pérou dans les années 50 et de leurs conséquences sociales les 20 années suivantes. A cette époque, la côte pacifique du Pérou devient un lieu de migration intense, notamment vers Lima. Les populations andines descendent des hauts-plateaux pour s’installer en ville à la recherche d’une vie meilleure et fuir l’exploitation des grands domaines agricoles, les latifundios. Cet exode rural s’intensifie encore sous la pression des attentats du groupe armé Sentier Lumineux. Ces émigrés andins s’installent donc dans la capitale, qui se modifie pour accueillir ceux devenus majoritaires : des quartiers précaires se développent, dont les fameux bidonvilles en périphérie de la ville. Les nouveaux venus s’organisent en communauté pour faire face aux discriminations qu’ils subissent de la part d’une partie de la société péruvienne.
À la même époque, la cumbia est reine : ses rythmes résonnent partout et elle est très largement adoptée par l’ensemble des Péruviens. À Lima, les communautés d’immigrés andins, la mêle au huayno, une musique des Andes d’origine précolombienne. Ce beau combo est complété par des guitares électriques au son psychédélique : la chicha est née. Cette nouvelle esthétique en fait un symbole pour ces communautés marginales, comme un mélange entre leur nouvelle vie et la nostalgie des Andes. Les classes sociales supérieures snobent cette musique, jusqu’à ce qu’un label new-yorkais s’y intéresse. La compilation The Roots of Chicha sort et vient légitimer la chicha dans la société péruvienne. C’est alors l’explosion. L’industrie musicale, avec par exemple le label Discos Horoscopo (1977), s’empare du phénomène et contribue à la popularisation et à la structuration du genre dans les années 80.
La chicha est portée par des groupes comme Los Destellos ou Los Mirlos, piliers du genre : ils reprennent la basse de la cumbia en y ajoutant des guitares électriques psychédéliques. Elle traite d’une large variété de thèmes, parlant d’amour comme de thèmes sociaux : déracinement, lutte des classes, chômage… Aujourd’hui, la chicha n’a pas disparu et continue d’inspirer les artistes comme les Péruviens de Bareto, ou le groupe Passion Coco en France. En Belgique, le label Rebel Up! produit même en 2023 la compilation Chicha Popular : Love & Social Political Songs from Discos Horoscopo 1977-1987.
Sin guitarra no hay chicha.phrase populaire au Pérou
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