All You Fascists Bound To Lose

Woody Guthrie est une figure emblématique du folk américain. Il incarne la voix des opprimés, le chant des travailleurs et une Amérique en lutte pour l’égalité de ses citoyens. Armé de sa seule guitare, sur laquelle est inscrite sa célèbre devise This machine kills fascists, il donne raison à son instrument en 1944 en enregistrant “All Fascists Bound to Lose”, un appel à la résistance et à l’unité contre le fascisme.

Sous la simplicité du morceau qui ne se pare, après tout, que d’une guitare acoustique, d’un harmonica, d’une voix sans artifice et de quelques chœurs, réside une force brute. Précisément, c’est ce dépouillement qui rend cette “protest song” percutante. Woody Guthrie ne cherche pas à séduire par une virtuosité instrumentale, mais à convaincre par le poids d’une mélodie entêtante et de paroles fédératrices, de ne pas céder face à la bête immonde.

Avec lucidité, il comprend que la bataille ne se joue pas seulement dans les rangs des armées, mais aussi dans l’âme même des sociétés démocratiques. Le fascisme, qu’il soit ouvertement violent ou insidieusement infiltré dans les institutions et les foyers, est une menace à laquelle il faut s’opposer sans relâche. “I’m gonna tell all you fascists, you may be surprised / The people in this world are getting organized”, chante-t-il avec conviction, comme une promesse d’unité et de solidarité qui permettra de mettre à bas la peste brune qui gangrène les sociétés. Le refrain, répétant inlassablement “All you fascists bound to lose”, martèle cette idée. Il fait office d’hymne, destiné à être repris en chœur par celles et ceux qui choisissent de résister. Woody Guthrie insiste d’ailleurs sur la dimension collective et populaire de cette lutte. Pour lui, la victoire contre le fascisme nécessite l’éveil du peuple qui, “en s’organisant”, peut renverser l’oppression.

Au-delà des régimes hitlérien et mussolinien, la chanson de Woody Guthrie s’attaque, par l’intemporalité de ses mots et de son air, à toute forme de fascisme, quelle qu’en soit son incarnation historique. Non seulement prend-t-elle également pour cible le racisme systémique qui sévit aux États-Unis à cette époque, mais aussi, en creux, toute manifestation d’oppression et d’injustice sociale, par-delà les années 1940.

“All You Fascists Bound to Lose” trouve ainsi écho dans les mouvements contemporains contre les discours de haine, contre l’autoritarisme et la servitude. Il résonne toujours comme une incitation à la révolte.